Tromper l'oeil
Le CAMOUFLAGE, DE LA GUERRE À LA MODE…
Un documentaire de Jean-Christophe Gaudry
Production Gurkin / Seconde Vague Productions
Au début de la guerre, une nuit sur le Boulevard Raspail, alors qu’un camion orné d’un motif camouflage passe devant nous Picasso s’écria : « C’est nous qui avons fait ça, c’est du Cubisme !! » (Mémoires de Gertrude Stein )
Ma première « rencontre » avec le camouflage date de l’enfance. En écoutant mon grand père nous raconter la guerre alors qu’il était avec les partisans dans les montagnes du nord de la Toscane. Une histoire en particulier reste en ma mémoire, celle ou il vit pour la première fois de sa vie des hommes noirs, des soldats Américains. Lesquels, faute de tenue adéquate, ils étaient vêtus de kaki et il neigeait, était immanquablement pris pour cible par les soldats Allemands et fascistes. Plus tard, au lycée, je m’habillais dans un surplus militaire. Par soucis d’économie, les vêtements étaient bon marchés et confortable, mais aussi par un brin de provocation. Plus récemment, c’est en observant la nature environnante à l’automne qui entoure le lieu où je vis que j’ai eu le déclic. Des aboiements de chien, puis des chasseurs en tenue camouflage ont traversé mon champ de vision au loin.
Le camouflage, la tromperie, l’imitation ont toujours existé dans la nature, avec très souvent des résultats magnifiques au regard. Le caméléon bien sur, les papillons, les félins, les zèbres... L’utilisation de couleurs, de motifs complexes et de nombreux autres artifices continuent de nous fasciner tels des enfants emmerveillés, tout comme ils passionnent les chercheurs. Logiquement, les artistes, habituées à observer ce qui les entoure, ont compris très vite l’intérêt que le camouflage pourrait avoir durant la guerre. Le début du 20éme siècle est plein d’une effervescence créative et technologique. De nouveaux courants picturaux apparaissent, ainsi que les travaux sur la phénoménologie du regard de la psychologie Gestalt. Le film rendra compte de cette époque trouble durant laquelle les « camoufleurs », ainsi qu’ils ne nommaient vont chercher les meilleures façons de cacher les soldats, les armes, ou de tromper l’ennemi par divers subterfuges.
C’est un hommage que j’aimerai rendre à l’ingéniosité de tous ces personnages, à leur sens créatif, parfois poétique, parfois absurde, et qui, avec le temps pourrait nous faire redécouvrir leurs « œuvres » sous un autre regard. A l’image des navires peints au motif « dazzle» qui passeraient presque pour des créations psychédéliques, ou encore certaines tenues, les « ghillies » qui ne dépareilleraient pas dans un film ethnographique sur une lointaine tribu Africaine. C’est aussi le cas pour les artistes contemporains qui se sont emparés du concept pour affirmer leurs idées, et nous donner à voir et réfléchir autrement les motifs camouflages ou l’idée d’invisibilité dans nos sociétés modernes saturées de caméras de surveillances, d’algorithmes informatiques nous « suivant » à la trace sur nos téléphones, et de contrôle de l’individu.
Jean-Christophe Gaudry